Je n'oublierai jamais ce jour-là.
J'étais là, devant ce tableau, contemplative. J'essayais de comprendre ce que faisaient ses hommes qui marchaient vite dans le désert.
D'où venaient-ils ? Où allaient-ils ? Et pourquoi semblaient-ils si pressés ? Leurs vêtements ne paraissent pas contemporains. Or aller toujours très vite, c'est le mal de notre siècle, nous qui sommes toujours pressés. Nous qui voulons faire le plus de choses pour avoir le sentiment de vivre.
Cette peinture me semble moyenâgeuse. Les hommes étaient-ils déjà pressés au Moyen Age ?
J'étais là devant ce tableau, avec mes pensées quand j'ai entendu cet énorme bruit sourd. Ces explosions. Et puis ces cris, ces hurlements. Tous ces gens affolés, qui courraient partout.
"C'est horrible !"
"On ne voit plus rien dehors, seulement de la fumée, de la poussière !"
"Il y a eu des explosions, combien, on ne sait pas, plusieurs !"
"On dirait que tout le quartier s'est écroulé !"
"C'est la fin du monde !"
Certains se précipitaient sur leur téléphone portable pour appeler un ami, un parent, un conjoint "Tu as entendu ces explosions ? Tu vas bien ? Moi, ça va, mais on ne sait pas ce qui se passe, on ne voit plus rien, tout est gris dehors." "Je t'entends de plus en plus mal, la ligne grésille, et puis ces cris et ces sirènes"
D'autres se précipitaient dehors et revenaient horrifiés, répétant des bribes de phrases qu'ils ont entendues :
" Des centaines de morts ! Tout s'est écroulé !" …
C'était la confusion totale, la panique.
Et moi, j'étais là, toujours immobile devant ce tableau, essayant de comprendre ce qu'il représentait. J'avais bien entendu les explosions, je voyais bien l'affolement général. Mais j'étais hypnotisée par cette toile.
Aujourd'hui, je ne sais toujours pas comment je suis sortie de la boutique. Je me suis retrouvée dans la rue, avec ce spectacle apocalyptique autour de moi.
Plus tard, je suis retournée dans cette galerie de Manhattan, j'ai acheté cette toile que j'ai baptisée "11 septembre".