Ce week end, nous sommes invités chez mon cousin, François Martinot, marié à Marie-Stéphanie de la Playère, devenue Mme Marie-Stéphanie de la Playère – Martinot et demeurant dans le domaine familial de la Playère, une vaste demeure dans leur famille depuis des générations. Elle en est l'unique héritière, ses parents ayant préféré le confort d'un somptueux appartement en ville avec ascenseur et proches de toutes commodités. Dans une famille d'un tel standing avec de telles origines, la maison est entretenue par un maître d'hôtel. Le repas est servi avec cérémonie dans la salle avec toute l'argenterie adéquate à chaque plat. Et bien sur pas question de se tromper. Même sa fille de 4 ans se doit d'utiliser son couteau à poisson pour la truite.
J'aime énormément mon cousin et pour lui éviter tout problème, nous avons toujours respecté les principes de sa femme quand nous allons chez eux. Elle même fait des efforts lors de nos barbecues. Mais cette fois, c'est trop, j'ai envie de m'amuser avec mes enfants et ceux de mon cousin. A titre d'exemple, ils n'ont pas la télévision (les programmes sont sans intérêt et ils reçoivent le journal tous les jours pour l'actualité) En matière de musique, ils ne connaissent que le solfège et quelques morceaux de musiques classiques.
Donc ce week end, j'ai tout préparé pour casser le traditionnel week end chez François. C'est moi qui ai chargé la voiture et personne n'a rien vu, mais j'y ai mis des sacs supplémentaires.
Nous arrivons en fin de matinée, peut avant l'apéritif. J'invite gentiment mon mari à aller faire un tour dans le parc avec les enfants, je vais monter installer nos affaires et je les rejoins. Il ne se fait pas prier, il n'aime pas l'ambiance de cette demeure. Tout semble froid et sans vie.
L'apéritif est traditionnellement servi dans le grand salon par Mme Elise la gouvernante (qui a bien sur d'autres fonctions et habite la maison de gardien à l'extrémité du parc avec son mari M. Albert. A midi précise, l'appel est fait pour l'apéritif, tout le monde est convié dans le salon.
C'est là que j'entre en action. Au moment où Mme Elise arrive avec le plateau de canapés et toasts, je lui prends ces amuse-bouche divers et invite tout le monde à me suivre dans le jardin. Sous les grands arbres, j'ai installé quelques grandes couvertures, afin que nous puissions nous installer confortablement dehors. A coté, j'ai mis des boites de vaisselle en carton, des gobelets en plastique, des chips et autres gâteaux apéritifs. Tous ces produits ne sont jamais arrivés jusqu'aux placards de Marie Stéphanie et vont ravir les plus jeunes.
- Pourquoi resterions-nous enfermés, alors qu'il est tellement simple de faire un pique nique, dis-je à tout le monde
- Chouette, crièrent les enfants en cœur, un pique nique.
- Mais, mais … bredouille Marie-Stéphanie, nous ne pouvons manger là, c'est sale, il y a de l'herbe partout, des insectes. Et puis de la vaisselle en plastique, voyons, ça ne se fait pas ! Ce n'est pas convenable.
- Je n'ai pas fait de pique-nique depuis le collège, annonce François
- Ne t'inquiète pas pour cela cher cousin, c'est comme le vélo, ça ne s'oublie pas, lui répondis-je.
- Voyons Anabelle, comment Mme Elise va-t-elle faire pour faire le service ? vous ne vous rendez pas compte, me lance Marie-Stépanie.
- Et si, pour une fois Mme Elise et M Albert, se joignait à nous pour ce repas ? Et s'il ne mangeait pas à 3 heures de l'après midi entre le fromage et le dessert ?
- Mais… mais …
- Il n'y a pas de mais qui tienne. Nous déposerons les plats sur ces couvertures, chacun se débrouillera.
- Mais, mais ... et les enfants, comment vont-ils se servir tout seul ? sans en mettre partout ?
- Et bien avec leurs doigts, tout simplement. Comme tous les enfants lors d'un pique-nique !
Marie Stéphanie semble véritablement choquée par cette surprise.
François n'ose rien dire mais semble content, je retrouve en lui ce sourire malicieux que nous avions chez notre grand même, quand nous fumions une cigarette le soir en cachette.
Soudain, une musique entraînante nous parvient. Mon mari a ouvert le carton mis un peu à l'écart, dans lequel j'avais rangé une mini chaîne et quelques CD de musiques. J'ai également apporté des musiques d'ambiance, on va peut être danser en fin de repas.
Et voici mes enfants qui montrent à leurs cousins la danse des canards puis la macarena.
Cette fois François éclate de rire et convie tout le monde à se joindre aux enfants.
- Nous prendrons notre apéritif, après quelques danses, nous annonce-t-il joyeusement
Tout le monde se met à imiter les enfants et une danse folle s'engage, Marie-Stéphanie reste sur le côté, stupéfaite pas ce comportement. Elle regarde son mari s'amuser comme elle ne l'a jamais vu. Je remarque un demi-sourire s'afficher sur ses lèvres.
Et soudain je l'entends rire, elle aussi happée par "la chenille" qui se promène dans le parc.