Auprès de la rivière
Docteur, je viens vous voir parce que je suis fou ! Enfin, non, je ne suis pas fou, ce sont les autres qui le pensent, à cause de ce que j’ai vu un jour auprès de la rivière. Je ne comprends pas car je suis quelqu’un de tranquille et simple.
Au printemps, je dépose ma canne à pêche sur la rive. J’attends tranquillement que le petit grelot sonne pour décrocher le poisson qui est pris à l’hameçon et le rejeter à l’eau. Cela me laisse tout le temps d’observer, allongé dans l’herbe les yeux mis-clos, les amoureux qui échangent des mots doux et se laissent aller à de petits baisers. Ce ne sont pas là manières de fou n’est-ce-pas Docteur ? Pourtant, c’est ainsi que j’ai vu ce jour-là auprès de la rivière…
En été pour contrer la chaleur suffocante qui sévit en juillet et août, il n’y a pas meilleur endroit pour venir se rafraîchir. En mettant les pieds dans l’eau au moment les plus chauds, se baigner dans l‘eau limpide des creux formés par l’amoncellement de galets est un délice. Vous voyez, je suis un homme sain. Pourtant, c’est vrai que cela me rappelle toujours ce que j’ai vu ce jour-là auprès de la rivière…
L’automne tout est prétexte à la rêverie. Les feuillages multicolores, le gazouillement des oiseaux se regroupant pour la migration, les soirées moins longues, mais si douces. Ainsi que tous les enfants qui me disent un petit bonjour au retour de l’école en allant au catéchisme. Si ces gamins me disent bonjour, c’est que je ne suis pas fou ? Vous êtes d’accord Docteur ? Pourtant eux aussi ils savent ce que j’ai vu ce soir-là auprès de la rivière…
L’hiver, j’aime à venir patiner lorsque les arbres sont tous couverts de givre et ressemblent à des flocons stylisés. La neige me procure un tel plaisir que je me roulerais volontiers dedans au risque de me faire traiter de fou. Pourtant, il ne faut pas que l’on me prenne pour un fou si je veux que l’on croit ce que j’ai vu ce soir-là auprès de la rivière…
Je suis aller demander conseils à mes trois amies Bernadette, Jeanne et Thérèse. Sans hésitation, elles m’ont compris, c’est vrai qu’elles en connaissent un rayon sur ces choses là ! Mais tout à fait entre nous, elles sont un peu folles !
En fait, Docteur, j’ai raconté tout simplement que j’avais vu trois hommes, traversant la rivière, transis de froid, les doigts gourds, portant des paquets, et qu’ils arrivaient d’Asie richement habillés.
Là Docteur, ils se sont moqués de moi. Certains ont même parlé de camisole de force, d’asile lorsque j’ai ajouté qu’ils étaient juchés sur des chameaux et qu’ils transportaient de la mire, de l’encens et de l’or ?!
Le 04.01.2006 - Grosby