Souviens-toi!

Les trois enfants se rassemblent autour de leur grand-mère, c’est l’heure de leur histoire. En plus, celle-ci va leur raconter, une fois encore, son meilleur souvenir.
Tout a commencé, il y a cinquante ans, avec ma voisine, qui était ma meilleure amie. Le matin nous allions à l’école, au bout de la rue, ensemble. Souvent seuls car nos parents travaillaient. Nous chantions en nous tenant la main le long du trajet. Nous passions tous les jours devant une grande maison. Souvent nous passions en courrant car on avait peur. En effet à l’école on racontait que cette maison était habitée par une vieille dame qui haïssait les enfants et que tous ceux qui s’y approchaient disparaissaient mystérieusement. Ce n’est pas qu’on croyait à ces ouï-dire, mais nous préférions être prudentes.
- Mamie ! C’est quoi ces ouï-dire ?
- Ce sont des choses que racontent les autres enfants, qui ne sont pas forcement vrai.
-Ce sont des mensonges ? Renchérit l’aîné.
-Si tu veux, ma chérie.
-Tu peux continuer plutôt, supplia le petit dernier.
-Oui mon poussin. Tout a changé un mardi de septembre, ce jour là nous rentrions en CE2.
Pour cette occasion nous avions revêtis nos plus beaux vêtements, nos deux mamans nous accompagnaient, qu’est ce qu’on était fières ! Nous sommes passées devant cette maison sans courir nos mamans nous protégeant et pour une fois nous l’avons vue. Cette image restera à jamais gravée dans mon cœur. La vieille dame se tenait debout à sa fenêtre. Le regard vide, elle regardait les gens passer sans vraiment les voir. Elle pleurait et son visage était si pâle, qu’on aurait dit un fantôme, et elle était tellement maigre.
Avec mon amie nous nous sommes regardée, nous ne disions rien, mais nos yeux trahissaient ce qu’on pensait. Nos mères avaient elles aussi remarqué car elles en parlèrent durant le reste du trajet. Attentives, nous avons écouté.
-La pauvre dame, ça fait maintenant vingt ans que c’est arrivé, et elle ne s’en n’est toujours pas remise.
-Faut dire ça se comprend ! ajouta l’autre.
-Je suis sure qu’elle ne mange rien. Elle meure à petit feu.
De ce jour là nous n’avons rien suivi de ce qui se disait à l’école. Nous parlions sans cesse de cette vieille dame, on ne voulait pas qu’elle meure, en plus elle paraissait gentille. A force de discutions, notre décision fut prise le soir même. Il fallait qu’on l’aide ! Il était hors de question qu’elle meure. D’ailleurs comment nos parents pouvaient laisser faire ça ?
Il fut donc décidé qu’une semaine jour pour jour après la rentrée nous n’irions pas en cours, mais aider la cette vieille dame.
Le jour J arriva, dans un sac nous mîmes tout ce qu’on pu trouver : des pâtes, de l’eau, des conserves, et même notre pot de Nutella, pour dire si le sacrifice était important pour nous.
Heureusement, nos parents travaillaient, ils ne s’en apercevraient pas tout de suite.
Nous fîmes donc comme tous les jours, sauf que nous nous arrêtâmes devant la porte de cette grande bâtisse. Il nous fallu tout notre courage pour sonner à cette porte, car il fallait bien l’avouer, nous avions quand même un peu peur.
Quand la dame ouvrit, nous dîmes, d’un ton autoritaire : « il faut qu’on vous parle ! »
Il y avait dans notre voix une assurance que nous étions bien loin de ressentir.
La dame surprise nous laissa entrer, et nous offrit même des petits gâteaux. Au début nous hésitâmes un peu, et si elle voulait nous engraisser pour mieux nous manger ensuite ? Comme dans notre conte préféré « Hansel et Gretel ». Elle vit notre hésitation et nous demanda d’un ton sec, ce qu’on lui voulait ? Comme nous avions peur de l’avoir vexé, nous nous empressâmes de prendre un gâteau, puis nous lui racontâmes notre histoire de la première fois ou l’on avait vu cette maison à la première fois ou on l’avait vue, elle. En passant par ce qui se disait à l’école.
-En discutant avec mon amie, commençai-je, nous avons pris une décision.
-Laquelle ? Mes jeunes enfants ?
-Voila ! Il ne faut jamais laisser quelqu’un tout seul, c’est pas gentil, en plus tout seul on s’ennuie, on le sais bien nous, car c’est comme ça qu’on est devenues amies, parce qu’on étaient toutes les deux toute seule. Enfin on est venues vous dire que nous voulons bien être vos amies, car maman dit que ça fait vingt ans que vous ne mangez pas et que vous êtes toute seule. Alors on vous a apporté des trucs. Nous ouvrîmes notre sac. En voyant nos victuailles’ elle éclata de rire, ce qui ne lui était pas arrivé depuis longtemps. Ce doutant qu’on avait pris ça à nos parents, elle nous fit la morale et conclut par :
-Je vous remercie, mais ce soir je vous accompagne et on va expliquer ça à vos parents. Elle eut un silence puis dit « je veux bien être votre amie » Nous lui sautâmes au cou.
Finalement, le soir nos parents ne nous ont rien dit. Nous n’avions pas de mauvaises intentions, et tous les soirs nous passions voir la dame à la belle maison. Grâce à nous elle avait retrouvé sa joie de vivre.
Alors si vous voyez quelqu’un seul, allez lui parler.
Les petits enfants applaudirent au moment où les parents entrèrent chercher leurs bambins.
-Encore cette histoire. Au fait, tu ne nous a jamais dit pourquoi elle était toute seule? questionna sa fille.
Haussant les épaules et le regard triste, elle pense « c’est une autre histoire beaucoup plus triste. ».

Fin