C'est une journée ordinaire. Tout le monde est sorti et je reste seul dans la maison familiale. Je vais pouvoir m'installer tranquillement pour corriger les copies de mes élèves. Et une fois cette tâche finie, je pourrais m'occuper un peu du jardin, personne ne l'a fait depuis un certain temps. Il est vrai que depuis quelques mois, tout le monde a retrouvé une activité.
Grand Père est parti chez sa sœur dans le sud, à cause de ses rhumatismes, il nous a dit qu'il se sentait mieux là bas.
Sylvie a retrouvé un emploi, elle travaille pour la confiserie industrielle qui s'est installée récemment, elle nous a d'ailleurs ramené un paquet de nougat hier, rien à voir avec celui que nous trouvons sur les fêtes foraines. Je suis vraiment content qu'elle ait eu cet emploi, il était temps, cela faisait six mois qu'elle tournait en rond dans la maison. Et là, nous la voyons tous les soirs, fatigués, mais souriante. Et Nathalie, elle est heureuse d'aider les personnes âgées, qui sont encore valide et qui veulent garder une certaine autonomie en restant dans leur maison.
Un dernier petit café et je m'attaque à mes corrections.
Trente copies à corriger, ça va être long. J'aurais dû être prof de maths, les corrections plus rapides : soit c'est bon, soit c'est faut, mais il n'y a pas à de poser de questions. Tandis qu'une dissertation, il faut que je vérifie si le sujet est respecté, si l'orthographe est correcte, si les phrases sont construites et les idées argumentées …
De plus, le sujet n'est pas des plus simples :
Super héros d'un jour : Vous avez surpris une conversation : une conspiration est en cours de préparation contre l'homme du "perchoir". Vous devez analyser la situation, comprendre la gravité de la situation afin d'éviter cette catastrophe. Peut-être devrez-vous alerter les médias ou les autorités pour vous prêter main forte.
A force de lire les récits de mes élèves, je me prends à rêver d'être moi aussi un super héros. Mes pensées s'éloignent de plus en plus et de fil en aiguille, je m'imagine une autre vie et je me vois nomade traversant le désert avec une caravane de touaregs. Nous vivons simplement. Ici, pas de société de consommation. Nous faisons des provisions dans les oasis. Provisions d'eau, mais aussi de nourriture. Notre nourriture se compose principalement de tubercules, et autres produits de la terre. Notre troupeau de chèvres nous fournit du lait, et parfois, nous trouvons un gibier quelconque, ce qui est plutôt exceptionnel.
Une fois mes copies, corrigées, notées, je réalise les différences qu'il peut y avoir entre mes élèves. Certains sont très matures, leur texte est réfléchi, posé, bien écrit, d'autres sont très scolaires, des phrases plutôt simples, un plan trop construit.
Comme il fait beau dehors, j'en profite pour aérer la maison, à cette heure, il ne doit pas y avoir trop de bruit. Mais je sens soudain une forte odeur de caoutchouc brûlé, qui m'irrite le nez et la gorge. Je regarde alors par la fenêtre et vois encore deux carcasses de voitures. Pourvu que ça ne recommence pas. La dernière fois, les incendies ont démarré à cause d'une panne d'ascenseur dans les immeubles. Il y a vraiment des failles dans notre système pour que le moindre détail fasse tout dégénérer.
Si seulement, nous arrivions à vendre cette maison. C'est une belle maison, imposante qui est dans notre famille depuis plusieurs générations, sauf qu'au bout du jardin, nous avons cette immense cité où s'entassent tous ces défavorisés, marginaux ou sans emplois.
Les gens se détournent systèmatiquement de notre annonce dès lorsqu'ils savent qu'elle se trouve à "La Campagne" La cité la plus mal réputée de l'agglomération.
Merci à Grosby pour ses remarques