Ca y est, je l'ai ce livre que je cherchais depuis si longtemps.
Ce résumé me donne tellement envie de le lire que je commence les premières pages avant même de monter dans l'ascenseur.
Je l'appelle tranquillement, je passe à la deuxième page quand il arrive, je monte, toujours le nez dans ma lecture. Je prends tout juste la peine de vérifier que le bouton RDC est allumé, et je continue ma lecture.
Je continue page 3, 4… quel livre extraordinaire.
J'entends soudain qu'on me parle ou plutôt qu'on crie
- Alors, on fait semblant de lire ? Encore un livre débile vu ta capacité intellectuelle.
Je sursaute, cette horrible voix nasillarde, fausse et qui sent la méchanceté à plein nez.
Je me retourne et je vois ma voisine ! Celle qui me pourrit la vie depuis 2 ans qu'elle habite en face. Je sais qu'elle attend une réponse de ma part pour que le ton monte. Elle aime les prises de bec et ne supporte pas que je l'ignore, comme je le fais à chaque fois qu'elle m'agresse verbalement, c'est à dire tous les jours quand je pars au travail. Elle guette mon passage et sort de chez elle pour m'insulter, me traiter de tous les noms et me provoquer. Mais je ne réponds pas, j'ai découvert que l'ignorance était la meilleure des armes.
Elle continue de m'insulter :
- Alors la traînée, t'es encore rentrée au beau milieu de la nuit ?
- ...
- T'as encore était faire ta salope ?
- ...
- Tu sais plus quoi répondre hein !
- ...
- Et tout le monde sait que tu es une traînée, que tu sors jusque point d'heure, que tu reçois la nuit !!!
- ...
Pendant qu'elle m'injurie, je la regarde fixement avec un air niais. Elle commence vraiment à s'énerver, et moi, ça me chauffe aussi, mais je reprends ma respiration (c'est vraiment bien le yoga pour se maîtriser, je vais finir par y aller tous les jours).
Je réalise soudain que j'ai eu le temps de lire deux pages et de me faire traiter de tous les noms, alors que la médiathèque n'est qu'au 4ème étage.
L'ascenseur doit être bloqué.
Tant pis, je vais devoir encore subir cette sorcière. Je continue de la dévisager, elle est vraiment laide, son nez comme piqué aux vers (peut-être les effets de l'alcool), ses traces de couperose sur les joues, ses cheveux gras (elle a du se tromper et faire un shampoing avec la bouteille d'huile, ce n'est pas possible autrement). Cette dernière pensée m'arrache un sourire.
La voilà repartie dans son langage injurieux. Elle a du apprendre le dictionnaire des jurons, mais alors une très vieille édition, car il y a peu de termes différents. D'ailleurs je ne l'entends plus, je ne vois que ses lèvres bouger. Je continue de la regarder (ça l'énerve…)
Elle est toute petite, maigrichonne, ses doigts sont crochus. Il ne lui manque que la pomme empoisonnée à la main. Ses mains commencent à trembler, ses poings se referment, se crispent, elle a envie de cogner.
Elle peut me taper, je l'attends de pied ferme et je me ferais plaisir de lui rendre ses coups, après en avoir bien sûr pris quelques-uns pour avoir des traces, il ne faudrait pas qu'elle m'accuse de l'avoir agressée dans l'ascenseur. J'ai rangé mon livre depuis un moment et en refermant mon sac, j'aperçois le cadeau que j'ai reçu hier de ma collègue.
Je fais semblant d'avoir un malaise, et m'affale par terre, enfin à moitié assise. Mais surtout je lui tourne le dos, et m'arrange pour voir mon sac, resté ouvert et y accéder discrètement. C'est vraiment l'occasion de tester son cadeau.
- Alors la traînée, on est claustrophobe ? Compte pas sur moi pour appeler les secours...
Et elle continue ses ignominies
- blablabla...
Et moi, je m'applique à ma tâche. Je continue de bricoler dans mon sac, je sors une petite aiguille.
Elle ne me voit pas, mes mains sont cachées. Elle rit, rit encore et encore.
- Attends, on va voir qui va bientôt rire le plus, me mets-je à penser.
Soudain, je l'entends se mettre une claque sur le bras
- Saleté de moustique, je vais t'avoir ! crie-t-elle avec sa voix de crécelle.
- Aïe, ouille, mais où est-il, en se tapant la nuque.
Et moi, je souris, mais elle ne me voit toujours pas.
Je l'entends toujours se plaindre et se débattre à la recherche de son moustique. Et je me retiens de rire.
Soudain, je l'entends tomber, je me relève tranquillement et la regarde. Je m'approche d'elle, ouf, elle respire.
Je range mes affaires dans mon sac, je sors mon téléphone et compose le numéro affiché dans l'ascenseur. La ligne est mauvaise, mais je dis que c'est une urgence, une personne a fait un malaise dans un ascenseur en panne, elle est sûrement claustrophobe.
Quelques minutes après, je ressors tranquillement en repensant à Mamadou qui me disait "Tiens prends cette poupée et cette aiguille. Mais ne t'en sers pas avec n'importe qui. Il faut que ton ennemi soit vraiment une personne méchante"
Et moi, qui ne croyais pas du tout que le vaudou était réel.