Journée pas banale !
Aujourd’hui, nos amis, Alexandre écrivain en herbe, et Laurence, professeur de yoga et masseur pour chat, viennent nous aider à terminer notre déménagement.
Ce sont des amis sincères. Leur fidélité et leur disponibilité sont sans égal. Afin de les remercier, dès que l’occasion se présente, nous leur rendons la pareille.
Alexandre a dans la poche de sa chemise, quelles que soient les circonstances, un micro-ordinateur. Il y note frénétiquement toutes les idées qui lui passent par la tête, en prenant soin de vérifier chaque mot à l’aide du dictionnaire incorporé. Cela ne l’empêche nullement de continuer la discussion entamée avec nous.
Laurence, elle, deux ou trois fois par jour, s’assoit par terre sur une écharpe en soie très fine qui ne la quitte jamais, se met en position du lotus, les jambes croisées et le port bien droit. Elle reste ainsi cinq minutes, puis reprend ses activités comme si rien ne s’était passé. Elle a besoin de cela pour son harmonie physique et psychique.
Ces petites particularités, surprenantes au premier abord, ne nous étonnent pas, nous ne les remarquons même plus à longue.
J’ai avisé Laurence et Alexandre qu’ils passent chez le boulanger-confiseur Desmoulin, prendre le pain et la glace commandés la veille.
Nous les attendons pour dix heures. Il est neuf heures et les voici qui arrivent. Tout d’abord, nous prenons un café puis nous nous mettons à l’ouvrage.
Tout est pratiquement emballé. Il reste le lit à démonter et quelques cartons à boucler contenant les objets « dernière/première nécessité » (assiettes, verres, couverts, bols, linge de toilette et literie). Le micro-onde et la cafetière iront dans la voiture.
Les garçons s’attaquent au déboulonnage des montants du lit. Nous les entendons râler en cherchant les pinces et les clés. Je leur crie « nettoyez donc vos lunettes, la boîte à outils est à côté de la cheminée».
Laurence et moi entamons le ménage par un coup d‘aspirateur dans le salon et la salle à manger. Une fois la serpillière passer, nous poursuivons dans le bureau.
Je retrouve derrière la porte du cellier les sabots rouges et le parapluie que nous utilisons pour aller au jardin lorsqu‘il pleut. Je les dépose à côté des produits d’entretien. Ils partiront dans le camion.
En passant dans le couloir, je décroche un tableau oublié représentant une épinette. Cette peinture est la seule entorse à la spécificité de Thomas. Habituellement, il ne peint que des vélos : des petits, des grands, de route, de ville, grands-bi, draisine, mais surtout, pas de VTT. Nul n’avait pu le faire changer d’avis et je n’ai jamais su pourquoi il avait cette aversion pour ce genre de bicyclette.
Ensuite, Alexandre et Thomas vont emballer les toiles de ce dernier ainsi que son matériel de peinture. Alexandre s’extasie sur notre dernière acquisition : un pot d’Anduze rempli de sable, dans lequel les pinceaux sont plantés. Il faudra que je m’en procure un, dit-il, je m’en servirai de porte-crayon.
Avec Laurence nous effaçons sur les vitres les traces déposées par la truffe de Robinson le Chien, enferré dans sa phobie des poules, et par les pattes de Vendredi 13 le Chat noir, amoureux des souris.
Chaque fois que notre "dangereux félin" réussit à en attraper une, il la prend gentiment dans ses pattes et la lèche consciencieusement tout en la maintenant bien au creux de son ventre. Lorsqu’elle est bien détrempée, il la relâche tout fier de lui. Il est évident que cela ne peut que le desservir dans l’essor de sa carrière de grand fauve !
L’excentricité de Robinson est d’une autre nature. Dès qu’une poule le défie, il est terrifié au point de ne plus se mouvoir. Les gallinacés, ces crapuleuses, en profitent pour lui subtiliser le pain qu’il a dans la gueule ! La première fois que j’ai vu cela, j’en suis restée toute ébahie.
Maintenant que nous avons enfin fini, nous préparons le repas. Pour midi, ce sera « casse-croûte » jambon/beurre, vache qui rit et pommes. En riant, je leur dis que ce soir, nous « festoierons ».
Après le déjeuner, Laurence nous fait une démonstration de massage de chat. Elle nous explique que pour mettre en condition l’animal, il faut d’abord le flatter par de douces paroles et des caresses. Ensuite, il est possible sans problème de lui masser le ventre et le dessus du dos.
Vers quinze heures, chacun à notre tour, nous prenons une douche. Thomas mets un pantalon, une chemise et sa veste. Alexandre et Laurence se sont également changés.
J‘enfile une robe noire en coton cousue rapidement la semaine passée, ainsi qu‘une veste noire. Zut ! Le chien a encore dû jouer avec mes chaussures. Je les retrouve enfin au beau milieu du jardin.
Nous partons à pied en sifflotant en direction du village. Tout est calme, c’est mercredi, jour de fermeture de la mairie et les enfants n’ont pas d’école. Malgré tout, nous nous dirigeons vers ce bâtiment officiel car par mesure dérogatoire, en raison de notre déménagement, le maire a accepté d’ouvrir ses portes afin d’y célébrer notre mariage.
Pour cette occasion, la secrétaire de mairie a écourté sa journée de congés et Mr le Maire a échangé ses bottes et sa combinaison d’agriculteur contre un costume gris ceint de son écharpe.
De sa voix rauque, il nous énumère les articles du code des futurs époux : « Premièrement le mari et la femme se doivent fidélité, bla, bla, bla, quatrièmement … respect mutuel, bla, bla, bla et sixièmement … pour le meilleur et pour le pire. ».
Tout bas, j’entends Thomas dire dans son menton : « AMEN ! ». Je réprime un fou rire et nous allons vite signer les registres. Un don pour les bonnes œuvres et nous repartons vers la maison.
Je m’attarde un peu à l’arrière et Laurence me rejoint en me demandant ce que je fais. Je lui réponds que je suis en train de mettre mon alliance. Thomas qui s’en aperçoit, revient et m’aide à la passer à mon doigt.
Lui n’en a pas voulu. Nous rentrons joyeux pour allez fêter cet évènement.
En arrivant à la maison, la sonnerie du téléphone me fait sursauter. C’est Monsieur Menestrier qui appelle pour nous confirmer l’arrivée des déménageurs à 7 heures demain matin.
Ce jour n’étant vraiment pas comme les autres, pour le dîner, j’ai préparé un soufflé au fromage, des filets de perche au gingembre et citron vert accompagnés de riz. Nous terminerons par la glace au nougat agrémentée de meringue aux pistaches et de crème anglaise.
Cela peu paraître curieux avec seulement un micro-onde pour cuisiner, mais je suis une «folle» de la cuisson rapide ! Mon plaisir est de réussir des recettes prétendues impossibles à réaliser avec cet appareil ménager.
J’ai mis un point d’honneur à ce que tout soit parfait. Au milieu des cartons, mais parfait !
J’avais gardé cachées dans un carton non fermé, une nappe blanche, quatre belles assiettes, quatre flûtes à champagne et des bougies. Laurence me tend son briquet pour les allumer.
Nous mettons la table dans la cuisine pour ne pas salir ce que nous avions rangé au cours de la journée. Alexandre du tranchant de son couteau essaie de sabrer le champagne nous entraînant dans un énorme fou rire. Il finit par faire sauter le bouchon de façon traditionnelle.
Nous terminons cette journée folle, gais comme des pinsons.
Notre nuit de noces, je peux vous la raconter sans censurer mon texte : nous avons dormi sur des matelas gonflables dans des duvets … individuels !
Notre relation durait déjà depuis huit ans, et le mariage n’était qu’une formalité. Ce n’était donc pas la peine de me morfondre, une grande fête n’aurait rien ajouté à notre bonheur.
Le 18.02.2006 -
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